Jean-Marc Bourdin est un ancien élève de l’ENA École Nationale d'Administration et haut fonctionnaire à la retraite. Il est docteur en philosophie de l'université Paris 8, auteur d'essais sur Marcel Duchamp et sur la théorie mimétique de René Girard. Membre du comité de lecture d’Officiers Perdus, il est présent dans la dédicace du Tome 2 « Rebond en Patagonie.
Avec Aux ordres de l’Empereur, Gilles Hustaix conclut (provisoirement ?) une singulière aventure romanesque qu’il avait intitulée d’emblée Officiers Perdus. Quand j’écris ici “conclut”, je pourrais tout aussi bien affirmer qu’il l’introduit puisqu’il s’agit d’un préquel, un récit situé dans une époque largement antérieure aux quatre premiers ouvrages de la série.
Ses premiers romans nous avaient conduits de la Seconde Guerre Mondiale aux luttes pour le pouvoir au sein d’une entreprise à la fin du XXe siècle. Il nous offrait sa vision de cette Histoire contemporaine, inspirée en partie par celle de sa famille et la sienne propre : des biographies plus ou moins romancées n’étaient pas loin sous le voile fictionnel.
En nous transportant dans la période du Premier Empire, l’auteur se trouve pour la première fois obligé de tout inventer pour ses personnages de fiction même s’il s’est astreint à respecter précisément les informations collectées par les historiens sur Napoléon, son entourage et son épopée européenne. Et c’est bien grâce à cette incrustation de la fiction dans la décennie prodigieuse du Premier Empire (1804-1815) qu’une savante alchimie opère.
Gilles Hustaix n’a connu ni Ramuntxo ni Pépita, les deux personnages autour desquels s’organise son récit, même s’il les présente comme ses ancêtres en ligne directe. S’il n’a pu partir que de récits familiaux inévitablement lacunaires, cette circonstance a laissé le champ libre à son art de tisser des histoires héroïques comme dans ses quatre précédents romans.
Il est notable que le romancier fasse ici la part belle aux femmes : certaines sont connues par la grande Histoire mais nous découvrons l’importance cruciale dans l’affrontement avec la Russie de Maria Walewska, son second grand amour après Joséphine, alors même que d’autres se seraient contentés d’enchaîner les épisodes martiaux pour jalonner les guerres napoléoniennes.
Mais d’autres sont le fruit de son imagination. De ce point de vue, j’accorde une mention spéciale à l’exceptionnelle Pépita, séduisante, attachante, courageuse, et même si subtile qu’elle parvient parfois à mieux analyser les situations géopolitiques que l’Empereur. L’auteur évite avec cette fille du peuple que son tropisme pour l’aristocratie occulte les facultés de chacun à pratiquer les vertus les plus élevées. En avoir fait une cantinière mais aussi un agent de renseignement au service immédiat de l’Empereur, est un coup de maître. Ce qui lui permet de conférer aussi à Napoléon un trait de caractère inattendu, celui d’un tuteur aimant et non dépourvu d’humilité malgré son incontestable génie. D’une certaine façon, Pépita est aussi directement “aux ordres de l’Empereur” que Joachim Murat, son principal Lieutenant.
Mais l’histoire est tout autant celle de Ramuntxo, jeune cadet de Gascogne auquel les circonstances offrent de multiples occasions de faire montre de sa bravoure, justement récompensée par une série de promotions express.
Nous retrouvons dans ce dernier roman une capacité remarquable à faire passer dans des dialogues enlevés une bonne partie de l’action mais aussi du contexte, qu’il soit militaire ou géopolitique, dans lequel elle se déroule.
Me refusant à divulgâcher et imposer mon point de vue aux futurs lecteurs d’Aux ordres de l’Empereur, je ne peux que les inciter à se plonger sabre au clair et monture frémissante sous la selle à la suite de Ramuntxo parmi ces Officiers Perdus qu’ils auront tant de plaisir à retrouver !
Jean-Marc Bourdin
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